lundi 24 septembre 2007

Kapp Mitra



Et c'est reparti pour une randonnée avec Eric et Dagfrid, norvégienne réputée au village pour être bonne marcheuse. Au programme : le tour de Kapp Mitra, qui marque l'entrée Nord de Krossforden et de Kongsfjorden.
Vendredi soir, c'est dans l'urgence qu'Eric et moi préparons nos affaires pendant que Dagfrid nous attend. Enfin nous voilà prêt, désolés pour Dagfrid qui nous attend depuis 45 min... Et ce n'est pas fini : Vagabond, le voilier polaire à quai depuis 3 semaines s'en va hiverner sur la côte Est ce dimanche. C'est la dernière fois qu'on vois Eric, France et la petite Léonie d'ici un moment, on passe prendre le café à bord. 20h30, Dagfrid nous met la pression pour qu'on y aille : la nuit tombe de plus en plus vite... On fini par s'arracher de Vagabond, et on met en route direction Krossfjorden sous les coups de corne de brume de Vagabond pour nous dire 'Au revoir'. 'Au revoir' Vagabond, bon vent et bon hivernage...
Dagfrid avait raison, bien que j'ai pas traîné en route, la nuit est presque là, ça serait devenu dangereux au milieu des glaces et de la mer encore une fois pas très clémente. La cabane est des plus sommaire et en guise de fenêtre : 3 hublots de 20 cm de diamètre... pas très lumineux. Ca donne une ambiance cosy autour du poële en mangeant notre repas.










Moitessier les avait d'abord prises pour un drôle de reflet lunaire. Je ne m'y suis pas trompé, et je les guettais. J'entrouvre la porte : 'I think you should come have a look'. Eric et Dagfrid ont compris tout de suite. Des aurores boréales dansent au-dessus de nos têtes. Je savais qu'elles bougent, mais je m'attendais à une valse lente. Ce n'est pas n'ont plus un rock endiablé, mais Eric et moi - dont ce sont les premières - sommes vraiment surpris par la vitesse à laquelle ça se déplace. Et de scruter le ciel dans toutes les directions pour guetter les nouveaux rideaux de lumières blanche/verte qui s'amuse tantôt au-dessus des montagnes, tantôt au dessus du fjord. Puis plus rien. Puis encore, quelques minutes plus tard.
Pour ne rien perdre du spectacle, Eric et moi décidons de dormir sur le toit. Manque de chance, à peine installés, les nuages referment une fois pour toute la scène de ces jeux de lumières. Et ce n'est pas le marchand de sable qui vient nous saupoudrer de son somnifère, mais un léger voile de neige qui nous couvre à peine tel un voile de coton ; c'est la magie de l'Arctique.











Le lendemain c'est parti direction Laxebu : cabane sur la côte Ouest de la péninsule, où l'on doit retrouver Margaux - scientifique française ici depuis 5 mois - et Erlind, l'électricien du village, pour aller ensemble se faire une partie de pêche.



Premier arrêt. J'attendais ça, et même je le cherchais, et je savais que c'était le bon coin : une trace dans la neige est intrigante. Avis de Dagfrid qui de nous 3 s'y connaît la mieux en ce domaine : affirmatif pour elle. Nous venons de croiser une trace d'ours. Mais elle est vieille, et je n'en suis toujours pas convaincu à 100%.

Ça continu par une sacrée montée les pieds dans la neige. Une fois en haut du col, nous apercevons la mer, derrière un long plateau sans relief. C'est notre route, à travers les rivières pas encore gelées.
















Toujours en altitude, un lac est complètement gelé et recouvert de neige. Ça lui donne une étrange impression d'être recouvert d'un léger film cotonneux ; je ne résiste pas à l'envie de faire quelques pas dessus.





Finit la montagne, bienvenu sur le plateau aussi accidenté que le sont la Vendée et la Hollande... Le rythme de marche s'accélère. Nous arrivons aux lacs où nous avons prévus de retrouver Margaux et Erlind pour pêcher. Nous arrivons enfin à les joindre : ils viennent juste d'arriver à Laxebu. Changement de plan : on les rejoint là-bas et on repart tous ensemble à la pêche.




Le plateau est surprenant. Par moment, la roche est rouge tout autour : bienvenue sur Mars. Une demi-heure plus tard, la roche n'est que grise : bienvenue sur la Lune... Je me rend compte que c'est souvent l'impression que me donne l'Arctique, du moins ce coin-ci du Spitzberg : je passe d'un monde à un autre sans réelle transition, et à chaque fois c'est une découverte car je ne l'ai souvent jamais vu ailleurs.


































Les couleurs sont saisissantes : aucune n'est vive. On se ballade dans un dégradé, et c'est le noir de certaines roches qui paraît vif ici.






















































Nous avons enfin retrouvé Margaux et Erlind, qui nous attendaient à la cabane avec des crêpes et des boissons chaudes. On est retourné au lac pour pêcher : un fil qui casse pour Erlind, une décroche pour ma part. Heureusement qu'on avait prévu un repas de secours.



Nous sommes donc 5 à dormir à la cabane ce soir, il n'y a qu'un seul lit à Laxebu... Il sera pour Dagfrid, qui n'est plus toute jeune. Margaux et Erlind dorment parterre à l'intérieur. Moi et Eric, nous dormons une fois de plus sur le toît. Dans le duvet, pour conserver les piles au chaud : l'appareil photo. A 10 cm de nous : le 'flare gun' (pistolet à effrayer les ours) est déjà prêt, le fusil est quand à lui 'half lodded'. En effet, et c'est aussi pourquoi j'étais bien motivé à randonner dans ce coin là, nous sommes en plein sur le territoire d'un ours polaire. 3 semaines de suite, il est venu rendre visite à ceux qui dormaient dans la cabane, ou plutôt 'sur' la cabane. Terie, mon voisin au village, c'est même fait 'chatouiller' les pieds en plein sommeil. Heureusement, bien qu'il soit le plus grand chasseur et carnivore du monde, l'ours polaire lorsqu'il n'est pas affamé est assez peureux. Terie s'est mis à crier, et c'est l'ours qui prend les jambes à son coup... Apparemment l'Humain est une bête effrayante dans le royaume animal, et son 'rugissement' peut mettre en déroute le plus puissant des animaux sauvages. Ça fait cependant une drôle de nouvelle impression, que de se sentir 'proie', et je ne peux retenir un dernier tour d'horizon dans la nuit avant de me décider à fermer les yeux.
Je me fais réveiller par un coup de feux. Mais ce n'est qu'Erlind qui s'essaye avec son Magnum 44. Bienvenue au FarWest - c'est coutume ici, de s'entraîner au tir...
Il fait déjà jour depuis un moment, on n'est pas encore parti qu'on est déjà en retard sur notre programme de la journée : elle sera longue.





Le paysage est toujours aussi étonnant, et on recherche un peu d'altitude pour se poser face à une vue pour profiter du déjeuner. Il sera court, la rando est vraiment longue.










Bien qu'on en ait déjà 'plein les pattes', on se motive à faire un petit détour pour aller jeter un oeil à une ancienne station baleinière hollandaise. Il n'en reste plus grand chose, si ce n'est quelques tombes dont on peut toujours voir les squelettes à travers les pierres tombales composées en pierres plates non ajustées...




























Proche de l'arrivée, nous restons contempler la côte Est de Krossfjorden, illuminée par le Soleil qui fait enfin son apparition. Devant nous, 'le glacier du 14 Juillet' - c'est son nom !

Nous sommes tous contents et soulagés quand nous rejoignons enfin la cabane après 54 Km de marche sur les 2 jours. Dagfrid n'en peut plus et nous trouve trop rapide pour son rythme, quand à moi j'ai peur pour mes pieds : hier à la pêche j'ai trempé mes chaussure, j'ai marché avec toute la journée, et mes pieds ne ressemblent désormais plus à rien. Pourtant, mardi et mercredi j'ai pris rendez-vous pour installer du matériel sur un glacier. Il va falloir les bichonner, mes pieds qui me font souffrir le marthyr.


Nous redormons sur le toît avec Eric, mais là encore, le ciel s'est rebouché : toujours pas d'autre aurores boréales...

Le lendemain, réveil 6h00 : il faut que je sois au village assez tôt pour partir à la pêche au copépodes avec Margaux : sa dernière manip' de l'année. Nous quittons Krossfjorden peut-être pour la dernière fois de l'année : nous n'allons pas tarder à hiverner les bateaux, et si le fjord ne gêle pas encore cette année, c'en est fini : faire le tour en scooter est encore plus long que d'aller à Longyearbyen, et ça à moins d'intérêt que d'aller là où on ne peut aller qu'en scooter...